L’éthique
et les idéaux (texte introductif)
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I)
De quoi parle-t-on ?
La
morale est rattachée à une tradition historique
et souvent religieuse.
Elle
distingue entre ce qui est et ce qui doit être ;
selon le dogme,
la morale
désigne toujours les mœurs. Il est
préférable de parler de morales au
pluriel
car elles varient suivant les sociétés, les
religions et bien sûr les
époques.
Une morale
produit des renoncements à la sauvagerie des pulsions, mais,
parfois,
elle agit
avec une sévérité qui
entraîne des ravages supérieurs à ce
qu’elle
combat.
Certains désirs innocents sont puissamment
contrariés puis associés à
des
camisoles morales tel la culpabilité, l’angoisse,
la faute, le péché,
l’interdit, la peur.
Différemment, l’éthique
c’est la réflexion
sur la
morale, elle est liée à une tradition
contemporaine, matérialiste qui
cherche à
améliorer la perception de la réalité
par une attitude
« raisonnable » dans la recherche
du bonheur pour tous.
Le
terme « éthique » est
utilisé pour qualifier des réflexions
théoriques portant sur la valeur des pratiques et sur les
conditions de
ces
pratiques ; l’éthique est aussi un
raisonnement critique sur la
qualité
des actions. L’éthique aurait donc ses fondements
dans une décision
dite
rationnelle prise à partir d’un libre dialogue
entre des individus
conscients
des savoirs et des cultures.
Les
idéaux, indispensables pour créer et structurer
un minimum la vie
collective et
la vie sociale, constituent aussi un système essentiel de
l’identité
individuelle indispensable à tout un chacun.
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II)
Constat et
apport des sciences humaines
- les nouvelles
pathologies mentales
Les
enseignants, tous ceux qui ont une fonction d’aide aux
personnes mais
aussi,
bien sûr, les praticiens, s’interrogent sur la
question des nouvelles
pathologies (dépressions, addictions, pathologies
narcissiques, crises
de
l’adolescence, crises de milieu de vie, stress
professionnel…). Une
étude
récente de l’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé) montre que le
nombre de cas de
dépression s’est
multiplié par 7
pendant les 30 dernières années dans les pays
industrialisés. La
dépression est
la maladie de notre temps comme pouvait l’être
l’hystérie à la fin du
19è
siècle.
Les
psychothérapeutes et les psychanalystes constatent au
quotidien les
carences ou
la confusion des valeurs chez nombre de leurs patients, certains
même
peuvent
être considérés comme
« malades des idéaux ».
Ces
personnes peuvent ressentir des exigences glanées dans leur
histoire
personnelle qui s’imposent comme impératives mais
sans en posséder le
mode
d’emploi. D’autres, de plus en plus nombreuses, se
retrouvent privées
du
minimum de références qui est indispensable
à l’émergence de désirs.
Face à
la difficulté de trouver un sens à leur vie,
certains restent dans
l’oisiveté,
l’aide sociale, d’autres demeurent dans un vide
existentiel propice au
développement de pathologies diverses.
Ce que
les psychanalystes nomment l’idéal du moi ne se
confond pas avec la
définition
des systèmes de valeurs mais l’idéal du
moi sera lié à la conscience
morale et
la crise actuelle des valeurs interfère sur la mise en place
et sur la
force de
l’idéal du moi. L'idéal du moi se
présente comme "celui que j'aimerais
être", c’est l’introjection des parents
idéalisés (souvent
complétée
par
un éducateur ou un maître estimé).
Cette instance a un rôle très
positif dans
l’énergie quelle apporte, capable de dynamiser
l’individu vers des
actions
souvent sociales,
c'est-à-dire du désir
d’être grand qui a quelque chose à voir
avec la définition
Nietzschéenne du
surhomme et de la volonté de puissance.
L’idéal
du moi a un rôle important pour la compréhension
de la psychologie
collective,
c’est un concept charnière entre
l’individuel et le collectif.
Contrairement
au surmoi qui juge pour condamner et vient souvent inhiber ou
restreindre les
désirs, l’idéal du moi peut, par
contre, être un moteur d’excellence
irremplaçable à la réalisation de
chacun.
A
l’opposé, un surmoi excessif,
« sadique » réprime
tellement
les
pulsions qu’après avoir produit de
l'agressivité contre ceux qui en
sont à
l'origine, se retourne contre le sujet et génère
de la culpabilité et
de
l'angoisse.
Plusieurs
travaux de recherche tant en France qu’à
l’étranger ont été
consacrés
au rôle
de l’idéal du moi dans la dépression
névrotique et mélancolique. Voir
Francis
Pasche, Edith Jacobson et bien sûr Janine Chasseguet-Smirgel
sur la
maladie
d’idéalité où
l’idéal du moi est
l’élément central.
Bien
qu’il n’existe aucune structure psychique profonde
et stable spécifique
à l’addiction,
n’importe
quelle structure
mentale peut conduire à des
comportements d’addictions (visibles ou latents) dans
certaines
conditions de
manques et d’insatisfactions.
L’addiction
est une
tentative de défense et de régulation
contre les déficiences ou les failles occasionnelles de la
structure
profonde
de la personne. Mais cette tentative de soulagement est rapidement
limitée, car
une autre souffrance intervient alors, c’est la
dépendance. Certes la
dépendance aux additions n’est pas seulement
contemporaine mais elle
s’est
largement développée depuis ces
dernières décennies.
Le
public venant consulter des
« PSY » s’est largement
multiplié
mais
avec des questions souvent de bon sens auxquelles ces patients ont
difficulté à
répondre eux-mêmes spontanément et il
n’est plus rare de voir des
professeurs
de philosophie devenir
praticiens en
proposant
des consultations pour aider ce public en recherche
de repères.
La
profusion de ces nouvelles pathologies rend le cadre psychanalytique
classique
souvent peu adapté, ainsi de nombreuses formes de
psychothérapies
voient le
jour.
- une société
libérale et médiatique en crise
Conséquente
aux crises vécues qui assombrissent l’avenir et aux
pouvoirs publicitaires,
médiatiques voire
politiques omniprésents qui cherchent à vendre du
bonheur par des mots
souvent vides de sens, on
voit émerger une
position qui privilégie
le présent au
détriment du futur, le vécu de
l’événement à
l’élaboration de son sens,
l’affect à la pensée.
L’absence
d’espoir concrétisable est en soi un facteur
traumatique facilitant le
recours
à des idéologies caricaturales comme celles du
libéralisme sauvage et
de
l’argent roi, d’autres s’abritent
derrière les espoirs illusoires de la
religiosité jusqu’au fanatisme.
L’absence d’espoir conduit à
l’absence
de
projet tant personnel que collectif et peut être la source de
dérives
donc tant
personnelles que collectives.
Les nouvelles technologies permettent la création de
réseaux
diversifiés
créateurs de rencontres amicales ou amoureuses mais
hélas certains
demeurent
dans des échanges seulement virtuels qui favorisent des
addictions peu
génératrices de liens véritables. Il est
courant de parler de la solitude technologique de l’homme
moderne. Nous
arrivons à des paradoxes où la
publicité d’une façon très
habile voire
scientifique suscite des addictions, elles mêmes combattues
par des
publicités
payées par les finances publiques pour les combattre.
- l’éthique et la
morale vues par la psychanalyse
Freud a
étudié les différents
phénomènes psychologiques liés
à la morale et a
produit
des pistes théoriques toujours intéressantes
à explorer de nos jours.
Toute sa
vie il a fait preuve de courage face aux plus dures
épreuves, et son
amour de
la vérité l’a amené
à mépriser les compromis, la faiblesse morale et
les
hypocrisies d’une certaine morale traditionnelle.
En ce
qui concerne cette morale sexuelle traditionnelle de son temps, il la
condamne.
Il est partisan d’une vie sexuelle beaucoup plus libre.
« Freud
change le
regard sur la sexualité. aussi sera-t-il accusé
par toutes les
religions , particulièrement
le
catholicisme, d’être un profanateur de la
famille,un dynamiteur de la
société,
un démon darwinien et un obsédé
sexuel. Pourquoi ? parce qu’il
considère que
la société bourgeoise bride le désir
sexuel. Au lieu de pointer du
doigt
l’anormalité, il va montrer que tous les conflits
à l’origine de l’être
humain
sont au départ sexuels et liés au
désir » Elisabeth Roudinesco
2009.
L'homme
doit comprendre que c'est lui et non des instances divines qui a
créé
les lois
et les commandements de la morale, pour son propre
intérêt. Les
sciences
humaines et spécialement la philosophie sont des sources
d’inspiration
capables
de remplacer avantageusement les traditions et la
religiosité dans
leurs rôles
de créateurs d’une éthique
contemporaine. Freud
affirme le lien étroit entre le développement
de la civilisation
et de l'individu.
Freud a
été le premier et jusqu’à
présent le seul parmi les psychanalystes a
avoir mené
pendant trente ans une réflexion sur la morale
Lacan
avait l’art des formules qui ouvrait la réflexion,
celle-ci
« l’éthique
c’est de ne pas céder sur son
désir » peut signifier ne pas
laisser son
désir devenir son maître ou bien une invitation
d’aller au bout de son
désir
afin de s’en libérer et donc qu’il ne
devienne pas notre maître. Cette
autre
formule de Jacques Lacan « Que c’est la
femme, en tant qu’elle
n’est pas
toute entière prise dans la jouissance phallique, qui
s’approche le
plus
facilement de la position éthique » pose
la question de la
différence
fondamentale entre l’homme et la femme face au sentiment
moral.
Freud
avait ouvert la voie d’une recherche constante pour
comprendre les
interférences des pathologies de la
société sur les pathologies
individuelles
de tout un chacun.
La
conscience morale et le renoncement pulsionnel sont en interactions
continuelles, l’excès ou le plus souvent
l’inadaptation de l’éthique
crée
certaines pathologies, le manque en crée d’autres.
Lorsque
l’éthique est inadaptée, elle se soucie
fort peu du moi : elle
édicte un
commandement sans se demander s’il est possible de
l’observer. La
sexualité en
paie un lourd tribu, la satisfaction compensatoire est une satisfaction
narcissique qui est en droit de se considérer comme meilleur
que ne
sont les
autres. Ce système s’étaye sur un
système de contraintes créant des
pressions,
de la violence et un déchirement du tissu social existant.
Déjà
il
y a un siècle, Freud déclarait que l’on
ne peut pas exiger de l’homme
une trop
grande sublimation de ses pulsions, sans quoi on fait le jeu de la
désintrication, au plus grand bénéfice
de la pulsion de mort. Les
exemples sont
nombreux où l’on voit que les entreprises ou les
institutions diverses
exigent
toujours plus de l’homme et se fait son ennemie de son
bonheur
personnel, de sa
libido et de ses désirs de couple.
« Le
Psychanalyste ne peut plus rester, de nos jours, dans son cadre neutre
et
confortable, sa tour d’ivoire en retrait du monde, et
analyser les
transferts
individuels sans se sentir concerné par les projections
idéologiques de
la
société sur la psychanalyse elle-même,
à travers les images
caricaturales et
les questions qui lui sont posées par les médias.
D’abord, parce qu’il
ne se
contente plus de recevoir des patients névrosés,
bien insérés
socialement et
peu malades, comme autrefois, et que les sujets-limites (au limite de
la folie)
sont les plus vulnérables aux crises idéologiques
de la société. Ces
patients
au narcissisme fragile sont avides de certitudes
idéologiques, car ils
investissent le Surmoi collectif et les idéologies comme un
étayage
pour leur
Surmoi individuel inachevé et leurs carences
représentatives. »
(François
Duparc).
« le
Psychanalyste doit acquérir une connaissance des
idéologies dans
lesquelles il est
inscrit sans le savoir
ou sans le vouloir par sa propre culture, son histoire et sa formation
théorique personnelle. Comme le contre-transfert,
l’idéologie dans
laquelle on
baigne est souvent inconsciente, et demande un travail pour
être mise
au jour,
déjouant le confort de l’illusion et de la
banalité » Le Guen
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III)
La sagesse
antique dans notre monde
actuel
La
philosophie morale de la Grèce antique se
développa sur une période de
plus de
10 siècles, débutant au VIe siècle
avant JC et s’achevant avec le
développement
de la pensée chrétienne. Cette période
permit l’émergence de pensées et
d’idées
dont une diversité de concepts qu’il reste
à redécouvrir. La sagesse grecque est
riche
d’enseignement pour
toute réflexion et recherche concernant
l’éthique et les idéaux du
futur.
Profitons
de l’occasion pour repréciser ou corriger quelques
idées répandues plus
ou
moins éloignées des idées originales
de ces philosophes :
Socrate
était le modèle de la sagesse antique, il
prônait la cogitation,
l’humilité,
l’acceptation de l’ignorance et le respect du droit
de la cité. Dans la
période
contemporaine soumise à la toute puissance des
émotions, il est utile
de
rappeler la position de
Socrate : « Les sens
importunent le
penseur et l'Homme moral en l'incitant à la passion,
à la colère, au
plaisir
immédiat. Il faut s'en affranchir autant que possible :
c'est la
condition
première d'une connaissance possible et d'une
véritable moralité ».
La
philosophie contemporaine engage le débat entre la
transcendance et
l’immanence. Platon fut le précurseur de la
transcendance, il défendit
la
thèse, selon laquelle les "meilleurs" doivent gouverner,
parce qu'il
conçoit la politique comme une sorte de
rédemption, d'éducation. Celui
qui
gouverne doit éduquer le peuple, ignorant, au bien, et cela,
parce que
seul, il
a la connaissance du bien. La tâche première du
politique n'a donc rien
à voir
avec la gestion (administrative et économique) des affaires
communes.
Il
s'occupera avant tout de rendre les hommes meilleurs, il cherchera
à
convertir
la cité humaine aux valeurs transcendantes.
La politique a donc une fonction idéale. Par ailleurs, la
théorie de
l’amour
platonique, développée de nombreux
siècles plus tard, n’est pas fidèle
à la
pensée de Platon.
Le
concept de l'amour platonique est un concept engageant la
chasteté
davantage
par peur de la punition divine que par amour philosophique comme
développé
initialement par Platon. Pour sa part, PLATON accordait une place
naturelle aux
relations charnelles expliquant que la sexualité est
nécessaire pour
avancer
sur le chemin menant à la vérité.
Dans le
langage courant actuel, l'image de l'Épicurien est
celle du jouisseur de
la bonne chair et du sexe,
la jouissance sans
limite ne correspond pourtant pas à la théorie
épicurienne. Pour
certains, le
Jardin d’Epicure était un lieu de
débauche, mais de telles idées
semblent
largement excessives et cette renommée bien
éloignée de la théorie
épicurienne.
La vie
que mena Epicure dans son jardin fut simple et frugale, il
était
végétarien, un
verre de vin lui suffisait, et il buvait de
préférence de l'eau, il
professait
et pratiquait un hédonisme ascétique. La gestion
« intelligente » de
la sensualité tenant compte du désir et du
consentement de son
partenaire
permet de donner à la sensualité une vraie place vertueuse et indispensable à la vie.
L’épicurisme
désigne la terre, ici et maintenant comme lieu où
le bonheur doit être
recherché. Pour y accéder, satisfaire
d’une façon raisonnée les
plaisirs dans
le cadre d’une vie sage, tempérée,
contemplative et vertueuse. Epicure
enseigne
que ce ne sont pas les beuveries continuelles qui rendent la vie
heureuse, ni
les plaisirs des débauchés ni ceux qui consistent dans
les jouissances matérielles mais au
contraire une raison vigilante qui cherche minutieusement les motifs de
ce
qu’il faut choisir ou éviter.
L’épicurien respecte les vrais besoins de
la
nature et refuse ce qui en dépasse les limites. La
modération est une
vertu importante.
Le choix de vivre sans troubles, l’ataraxie, implique le
respect des
lois pour
éviter les sanctions de la société qui
veut protéger ce qui est utile.
Le droit
et le plaisir sont basés
sur l’intérêt
mutuel et la réciprocité, avec une attention
particulière pour que la
satisfaction des désirs se fasse dans le respect des
désirs de ses
partenaires.
Aujourd’hui, la
vie
moderne et sa
communication
intense nous encombre d’informations souvent contradictoires,
sans réel
intérêt
et parfois extrêmement
éphémères.
L’influence
de la publicité commerciale, de la propagande politique, des
lobbyings
nous
oblige à la prudence et le scepticisme
est une notion à réhabiliter.
Protagoras
affirme que sur
tout sujet, on peut
opposer des raisons contraires. Socrate affirme que tout ce
qu'il sait, c'est qu'il ne sait rien (belle humilité du
savoir qui
n’est guère
de mise aujourd’hui).
De
nombreux aspects de ce qui s'appellera plus tard le scepticisme
imprègnent
ainsi la civilisation de la Grèce.
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IV)
L’évolution
de la morale et des idéaux
dans la civilisation judéo-chrétienne
Si une
bonne part des fondements de notre civilisation sont dans les acquis de
la
Grèce antique, notre civilisation fut marquée
profondément par le
développement
de la religion chrétienne. Le renoncement plus ou moins
prononcé à la
sexualité
a été très tôt une
caractéristique fondamentale du christianisme, ce
renoncement est porté par les idées de
continence, de virginité, par
l’esprit
de sacrifice mais également par la réorientation
du désir de l’homme
vers Dieu.
La
personnalité et le rôle de Paul de Tarse seront
déterminants dans le
positionnement de la chrétienté envers la
sexualité, le rôle de la
femme, du
couple et l’organisation familiale.
Repris
par l’empire romain, ce système de valeurs fut
utile à son unité et à
son
expansion. Le monothéisme avait des vertus
d’ordre, d’unité et de
reconnaissance de l’autorité.
Le
catholicisme favorisa
pendant de
nombreux siècles le respect des institutions et
développa assez
largement
l’inhibition des pulsions sexuelles. Les
différentes monarchies
européennes partageaient
leur pouvoir
avec celui de l’église.
D’une
façon lente, progressive, irréversible, ces
fondements seront remis en
cause,
le siècle des lumières, la révolution
française, l’installation de la
laïcité
seront des étapes déterminantes.
L’aspiration
à plus de justice, l’abolition des
privilèges, l’émancipation des
peuples ont
représenté de telles énergies que rien
n’a pu les arrêter. Liberté,
égalité,
fraternité seront les valeurs de la république.
L’église essaya de
composer en
évoluant sous la pression des érudits mais
surtout des mouvements
populaires,
cette évolution devient plus difficile lorsque ses
fondements mêmes
sont remis
en cause.
La
finalité de la morale spinoziste est exposée dans
l’"Ethique" que
Spinoza a dû renoncer à publier pour des raisons
de sécurité. Il oppose
aux
faux sentiments et comportements (crainte, honte,
tristesse…) les vrais
sentiments basés sur des idées positives (joie,
amour, béatitude)
dirigés par
l’entendement. Partager la vraie connaissance permet de
profiter de la
vie en
chassant les idées tristes de la haine, de la vengeance et
de la mort.
Emmanuel
Kant, soutient dans "Critique de la raison pratique" (1788) qu'une
action est moralement bonne si elle s'accomplit par pur respect du
devoir sans
considération pour un intérêt ou une
satisfaction espérée. La moralité
se
mesure donc dans l'intention qui conduit à l'action et non
sur son
aspect
extérieur. La loi morale s'exprime sous forme d'un devoir
impératif
("tu
dois") tel qu'il puisse être érigé en
règle universelle. Dieu, la
liberté
de la volonté et l'immortalité de l'âme
ne sont pas du domaine de la
connaissance, mais des postulats nécessaires à la
raison pratique en
tant qu'exigence
rationnelle de la morale. Pour le philosophe allemand, l'existence de
Dieu est
donc une nécessité morale. Sa morale, cependant,
ne se fonde pas sur la
religion mais sur l'autonomie de la volonté.
Kant aborde également dans "Critique de la
faculté de juger" le
jugement esthétique et la téléologie
(étude de la finalité des êtres et
des
choses). Ne croyant pas à la
Révélation, ni en l'Incarnation de Dieu en
Jésus,
(lequel perdrait sa valeur d'exemple) il est cependant
persuadé de
l'utilité de
la religion pour l'ordre et la paix sociale. Kant défend
l'idée d'une
religion
morale dans laquelle Dieu, dont l'existence ne peut être
démontrée, est
l'initiateur de la conscience morale.
Nietzsche
rejette les critères traditionnels du bien et du mal et s'en
prend
violemment à
la morale chrétienne qui valorise la pitié et
l'humilité. Dans la
Généalogie de
la morale (1887), il la considère, en effet, comme la
"morale des
esclaves", c'est-à-dire un renoncement à la vie
et un refoulement des
instincts qui conduit à la servilité et
à l'ascétisme, permettant aux
plus
faibles de prendre la place des plus forts. Il l'oppose à la
"morale
des
maîtres", c'est-à-dire des hommes libres, qui
affirme des valeurs
héroïques et prône le surpassement de soi
à travers la volonté – La
volonté de
puissance – bien entendre que cette volonté de puissance
n’est
pas une volonté d’écraser les
autres. Le "bon"
est associé au "noble" et être
"méchant" un signe
d'infériorité. Il recommande la
liberté d'esprit, affranchi du présent,
de l'environnement
et de la mode. Dans le "Gai Savoir", Nietzsche devient provocateur en
affirmant que l'altruisme trouverait son origine dans une faiblesse, un
vide
intérieur. L'altruiste serait un égoïste
caché, qui chercherait dans
son geste
à échapper à lui-même. A
l'inverse, l'égoïste, capable d'abord de
penser à lui,
serait ensuite dans la possibilité de donner aux autres.
Affirmation
qui place
Nietzsche comme précurseur de la psychanalyse et dont Freud
fut le
lecteur,
d’une façon plus ou moins reconnue.
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V)
Apports de
la philosophie contemporaine
L’œuvre
de CAMUS essaie de définir un humanisme lucide,
généreux dans l'action,
sensible à la misère du monde, et une morale
collective qui exalte la
solidarité humaine devant le mal et les épreuves
de la vie. L'homme
doit toujours
s’efforcer à développer
fraternité et amour.
Jean-Paul
Sartre, Simone de Beauvoir et le mouvement existentialiste
centrés sur
la
critique des valeurs de la bourgeoisie confirmèrent la
nécessité
d’élaborer des
idéaux résolument en rupture avec ceux existants,
les
valeurs ne s’enracinent que dans des choix individuels,
à
chaque instant révisables.
André
Comte-Sponville donne
une définition simple de
la morale : C’est l'ensemble des règles
qui respectent les droits des autres.
A l'inverse du moralisme qui dit ce que l'autre doit faire, la morale,
c'est ce
que je dois faire. Etre en règle avec la
société n'exempte pas d'être
en règle
avec sa propre conscience.
Pour savoir si une action est condamnable ou pas il faut se demander ce
que
deviendrait le monde si chacun faisait ce qu'il a envie de faire.
Ruwen
Ogien s'efforce actuellement de mettre au point une théorie
éthique
qu'il nomme éthique minimale.
C'est une éthique d'esprit anti-paternaliste qui voudrait
donner des
raisons de
limiter autant que possible les domaines d'intervention de ce qu'il
appelle, à
la suite de John Stuart Mill,
la « police morale ». Cette
théorie éthique présente son principe
d’intervention limitée
aux cas de torts flagrants causés à autrui.
Radicalement
athée, Michel Onfray rappelle les fondements des religions
« Le
propre de
toutes les religions est de récuser le discours rationnel,
philosophique, au
profit d’une pensée magique dans laquelle tout est
intellectuellement
permis.
L’obscurantisme fait la loi dès le
début, car l’essence de la religion,
c’est
le déni de la mort et l’affirmation
qu’après sa venue nous vivons
encore, sous
une autre forme certes, mais que nous persistons, et ce pour une vie
éternelle.
A partir de ce mensonge fait à soi-même, tout
devient possible. Et l’on
sait
combien un mensonge originaire oblige ensuite à une
série d’autres
mensonges
destinés à légitimer le
premier. » Il
propose de réconcilier l'homme avec son corps,
machine sensuelle, et
de bâtir une éthique fondée sur
l'esthétique.
Le XXe
siècle, avec la légalisation de
l’avortement, de la contraception, la
reconnaissance du divorce, nous amena à un point de non
retour. Ces
lois
nouvelles entrent en conflit profond avec les lois des trois religions
monothéistes. Première pierre de
l’édifice, le décalogue ne peut plus
assurer
de nos jours son rôle de référence
sérieuse ; comment, dans ces
conditions, l’édifice peut-il se maintenir sans
une reconstruction
complète ?
Dans
notre siècle numérique actuel,
l’accès à l’information
à la
communication est
tellement prodigieux qu’il n’est pas
aisé d’en prendre véritablement
conscience
ici et maintenant et encore moins aisé
d’émettre des idées prospectives
d’avenir.
Notre
possession de tous
les acquis précédents
peut être tellement fine et complexe que nous constituerons
comme
certain la
nomme « La civilisation des
civilisations ». Doit on parler
de manque
des valeurs ou de trop de diversités dans
celles-ci ?
« La
libération au moins partielle de l’individu
n’a pas placé celui-ci
devant le
rien du nihilisme philosophique, mais au contraire devant ‘un
trop’ : les
modèles qui se présentent à lui sont
nombreux. L’individu peut se
tourner vers
le passé (catholicisme évangélique,
intégrisme, conversions au
bouddhisme, à
l’islam, communautarisme, sectes…) ; il
peut s’enflammer pour le
romantisme révolutionnaire de l’ultra gauche,
s’engager dans les
combats de
l’altermondialisation ou plus simplement et plus
généralement, adhérer
aux
thèses de l’idéologie marchande, du new
age, du développement
personnel. Il
peut aussi revendiquer sa singularité et chercher refuge
dans un groupe
(gay,
deep ecology, etc…) »
Gérard MENDEL 2004
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VI)
Conclusion
D’une
façon classique, la reconnaissance des idéaux qui
allait de soi il y a encore quelques décennies
n’est plus évidente dans
ce XXIe
siècle qui commence ; comment discerner les
idéaux qui ont
toujours leur
raison d’être, de ceux, caduques qui
n’ont plus à être
honorés ?
Comment
aider à l’émergence de nouvelles
valeurs en accord avec notre
temps et
préparant l’avenir ?
L’affaiblissement
des valeurs morales traditionnelles représente-t-elle un
danger majeur
ou bien
une opportunité favorable à
l’installation de nouvelles valeurs
humanistes,
écologiques, pour
vivre mieux ?
L’évolution
des connaissances et la puissance technologique nous mettent en
situation de
pouvoir réussir une synthèse de toutes les
civilisations passées, nous
ne
créons pas une civilisation supplémentaire nous
créons « la
civilisation
des civilisations » Jacques Attali.
Gérard VIGNAUX (octobre
2009)
Bibliographie :
-
Dictionnaire
d’éthique et de philosophie morale
Monique CANTO-SPERBER (2 tomes PUF)
-
L’idéal du
moi (essai sur la
maladie de
l’idéalité) Janine
CHASSEGUET-SMIRGEL
éditions universitaires
- Petit
traité
des grandes vertus André
COMTE-SPONVILLE
- Vie
et mort des
idéologies François DUPARC
revue
française de psychanalyse PUF
-
Esquisse d’une
morale sans obligation ni sanction Jean-Marie
GUYAU
- Totem
et
tabou Sigmund FREUD Payot
-
L’avenir d’une
illusion Sigmund
FREUD PUF
- La
morale
sexuelle « civilisée » – dans
la vie sexuelle- Sigmund FREUD PUF
-
Construire le
sens de sa vie –une anthropologie des valeurs-
Gérard
MENDEL éditions la découverte
-
Histoire de
l’autorité Gérard MENDEL
- Le
philosophe,
le patient et le soignant Robert
MISRAHI
-
Généalogie de
la morale Friedrich
NIETZSCHE
- Ainsi
parlait
Zarathoustra Friedrich
NIETZSCHE
-
L’éthique
aujourd’hui – maximalistes et minimalistes- Ruwen
OGIEN
Folio essais
- La
morale
a-t-elle un avenir Ruwen
OGIEN Pleins feux
- La
sculpture de
soi –la morale de soi- Michel
ONFRAY livre de
poche
- Les
sagesses
antiques –contre histoire de la philosophie-
Michel ONFRAY
-
Ethique de
Baruch SPINOZA
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