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  L’éthique et les idéaux (texte introductif)

 

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 I) De quoi parle-t-on ?

 

La morale est rattachée à une tradition historique et souvent religieuse. Elle distingue entre ce qui est et ce qui doit être ; selon le dogme, la morale désigne toujours les mœurs. Il est préférable de parler de morales au pluriel car elles varient suivant les sociétés, les religions et bien sûr les époques.

Une morale produit des renoncements à la sauvagerie des pulsions, mais, parfois, elle agit avec une sévérité qui entraîne des ravages supérieurs à ce qu’elle combat. Certains désirs innocents sont puissamment contrariés puis associés à des camisoles morales tel la culpabilité, l’angoisse, la faute, le péché, l’interdit, la peur.

 

Différemment,  l’éthique c’est la réflexion sur la morale, elle est liée à une tradition contemporaine, matérialiste qui cherche à améliorer la perception de la réalité par une attitude « raisonnable » dans la recherche du bonheur pour tous.

Le terme « éthique » est utilisé pour qualifier des réflexions théoriques portant sur la valeur des pratiques et sur les conditions de ces pratiques ; l’éthique est aussi un raisonnement critique sur la qualité des actions. L’éthique aurait donc ses fondements dans une décision dite rationnelle prise à partir d’un libre dialogue entre des individus conscients des savoirs et des cultures.

 

Les idéaux, indispensables pour créer et structurer un minimum la vie collective et la vie sociale, constituent aussi un système essentiel de l’identité individuelle indispensable à tout un chacun.

 

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II) Constat et apport des sciences humaines

 

-         les nouvelles pathologies mentales

Les enseignants, tous ceux qui ont une fonction d’aide aux personnes mais aussi, bien sûr, les praticiens, s’interrogent sur la question des nouvelles pathologies (dépressions, addictions, pathologies narcissiques, crises de l’adolescence, crises de milieu de vie, stress professionnel…). Une étude récente de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) montre que le nombre de  cas de dépression s’est multiplié par 7 pendant les 30 dernières années dans les pays industrialisés. La dépression est la maladie de notre temps comme pouvait l’être l’hystérie à la fin du 19è siècle.

 

Les psychothérapeutes et les psychanalystes constatent au quotidien les carences ou la confusion des valeurs chez nombre de leurs patients, certains même peuvent être considérés comme « malades des idéaux ».

 

Ces personnes peuvent ressentir des exigences glanées dans leur histoire personnelle qui s’imposent comme impératives mais sans en posséder le mode d’emploi. D’autres, de plus en plus nombreuses, se retrouvent privées du minimum de références qui est indispensable à l’émergence de désirs.

 

Face à la difficulté de trouver un sens à leur vie, certains restent dans l’oisiveté, l’aide sociale, d’autres demeurent dans un vide existentiel propice au développement de pathologies diverses.

 

Ce que les psychanalystes nomment l’idéal du moi ne se confond pas avec la définition des systèmes de valeurs mais l’idéal du moi sera lié à la conscience morale et la crise actuelle des valeurs interfère sur la mise en place et sur la force de l’idéal du moi. L'idéal du moi se présente comme "celui que j'aimerais être", c’est l’introjection des parents idéalisés (souvent complétée par un éducateur ou un maître estimé). Cette instance a un rôle très positif dans l’énergie quelle apporte, capable de dynamiser l’individu vers des actions souvent  sociales, c'est-à-dire du désir d’être grand qui a quelque chose à voir avec la définition Nietzschéenne du surhomme et de la volonté de puissance.

L’idéal du moi a un rôle important pour la compréhension de la psychologie collective, c’est un concept charnière entre l’individuel et le collectif.

 

Contrairement au surmoi qui juge pour condamner et vient souvent inhiber ou restreindre les désirs, l’idéal du moi peut, par contre, être un moteur d’excellence irremplaçable à la réalisation de chacun.

A l’opposé, un surmoi excessif, « sadique » réprime tellement les pulsions qu’après avoir produit de l'agressivité contre ceux qui en sont à l'origine, se retourne contre le sujet et génère de la culpabilité et de l'angoisse.

Plusieurs travaux de recherche tant en France qu’à l’étranger ont été consacrés au rôle de l’idéal du moi dans la dépression névrotique et mélancolique. Voir Francis Pasche, Edith Jacobson et bien sûr Janine Chasseguet-Smirgel sur la maladie d’idéalité où l’idéal du moi est l’élément central.

 

Bien qu’il n’existe aucune structure psychique profonde et stable spécifique à l’addiction,

n’importe quelle structure mentale peut conduire à des comportements d’addictions (visibles ou latents) dans certaines conditions de manques et d’insatisfactions.

 

L’addiction est une tentative de défense et de régulation contre les déficiences ou les failles occasionnelles de la structure profonde de la personne. Mais cette tentative de soulagement est rapidement limitée, car une autre souffrance intervient alors, c’est la dépendance. Certes la dépendance aux additions n’est pas seulement contemporaine mais elle s’est largement développée depuis ces dernières décennies.

 

Le public venant consulter des « PSY » s’est largement multiplié mais avec des questions souvent de bon sens auxquelles ces patients ont difficulté à répondre eux-mêmes spontanément et il n’est plus rare de voir des professeurs de philosophie  devenir praticiens en proposant des consultations pour aider ce public en  recherche de repères.

 

La profusion de ces nouvelles pathologies rend le cadre psychanalytique classique souvent peu adapté, ainsi de nombreuses formes de psychothérapies voient le jour.

 

-         une société libérale et médiatique en crise

Conséquente aux crises vécues qui assombrissent l’avenir et aux  pouvoirs publicitaires, médiatiques voire politiques omniprésents qui cherchent à vendre  du bonheur par des mots souvent vides de sens, on voit émerger  une position qui privilégie le présent au détriment du futur, le vécu de l’événement à l’élaboration de son sens, l’affect à la pensée.

L’absence d’espoir concrétisable est en soi un facteur traumatique facilitant le recours à des idéologies caricaturales comme celles du libéralisme sauvage et de l’argent roi, d’autres s’abritent derrière les espoirs illusoires de la religiosité jusqu’au fanatisme. L’absence d’espoir conduit à l’absence de projet tant personnel que collectif et peut être la source de dérives donc tant personnelles que collectives.


Les nouvelles technologies permettent la création de réseaux diversifiés créateurs de rencontres amicales ou amoureuses mais hélas certains demeurent dans des échanges seulement virtuels qui favorisent des addictions peu génératrices de liens véritables.  Il est courant de parler de la solitude technologique de l’homme moderne. Nous arrivons à des paradoxes où la publicité d’une façon très habile voire scientifique suscite des addictions, elles mêmes combattues par des publicités payées par les finances publiques pour les combattre.

 

-         l’éthique et la morale vues par la psychanalyse

Freud a étudié les différents phénomènes psychologiques liés à la morale et a produit des pistes théoriques toujours intéressantes à explorer de nos jours. Toute sa vie il a fait preuve de courage face aux plus dures épreuves, et son amour de la vérité l’a amené à mépriser les compromis, la faiblesse morale et les hypocrisies d’une certaine morale traditionnelle.

En ce qui concerne cette morale sexuelle traditionnelle de son temps, il la condamne. Il est partisan d’une vie sexuelle beaucoup plus libre. « Freud change le regard sur la sexualité. aussi sera-t-il accusé par toutes les religions ,  particulièrement le catholicisme, d’être un profanateur de la famille,un dynamiteur de la société, un démon darwinien et un obsédé sexuel. Pourquoi ? parce qu’il considère que la société bourgeoise bride le désir sexuel. Au lieu de pointer du doigt l’anormalité, il va montrer que tous les conflits à l’origine de l’être humain sont au départ sexuels et liés au désir » Elisabeth Roudinesco 2009.

 

L'homme doit comprendre que c'est lui et non des instances divines qui a créé les lois et les commandements de la morale, pour son propre intérêt. Les sciences humaines et spécialement la philosophie sont des sources d’inspiration capables de remplacer avantageusement les traditions et la religiosité dans leurs rôles de créateurs d’une éthique contemporaine.  Freud affirme le lien étroit entre le développement de la civilisation et de l'individu.

Freud a été le premier et jusqu’à présent le seul parmi les psychanalystes a avoir mené pendant trente ans une réflexion sur la morale

 

Lacan avait l’art des formules qui ouvrait la réflexion, celle-ci « l’éthique c’est de ne pas céder sur son désir » peut signifier ne pas laisser son désir devenir son maître ou bien une invitation d’aller au bout de son désir afin de s’en libérer et donc qu’il ne devienne pas notre maître. Cette autre formule de Jacques Lacan « Que c’est la femme, en tant qu’elle n’est pas toute entière prise dans la jouissance phallique, qui s’approche le plus facilement de la position éthique » pose la question de la différence fondamentale entre l’homme et la femme face au sentiment moral.

 

Freud avait ouvert la voie d’une recherche constante pour comprendre les interférences des pathologies de la société sur les pathologies individuelles de tout un chacun.

 

La conscience morale et le renoncement pulsionnel sont en interactions continuelles, l’excès ou le plus souvent l’inadaptation de l’éthique crée certaines pathologies, le manque en crée d’autres.

 

Lorsque l’éthique est inadaptée, elle se soucie fort peu du moi : elle édicte un commandement sans se demander s’il est possible de l’observer. La sexualité en paie un lourd tribu, la satisfaction compensatoire est une satisfaction narcissique qui est en droit de se considérer comme meilleur que ne sont les autres. Ce système s’étaye sur un système de contraintes créant des pressions, de la violence et un déchirement du tissu social existant.

 

Déjà il y a un siècle, Freud déclarait que l’on ne peut pas exiger de l’homme une trop grande sublimation de ses pulsions, sans quoi on fait le jeu de la désintrication, au plus grand bénéfice de la pulsion de mort. Les exemples sont nombreux où l’on voit que les entreprises ou les institutions diverses exigent toujours plus de l’homme et se fait son ennemie de son bonheur personnel, de sa libido et de ses désirs de couple.

« Le Psychanalyste ne peut plus rester, de nos jours, dans son cadre neutre et confortable, sa tour d’ivoire en retrait du monde, et analyser les transferts individuels sans se sentir concerné par les projections idéologiques de la société sur la psychanalyse elle-même, à travers les images caricaturales et les questions qui lui sont posées par les médias. D’abord, parce qu’il ne se contente plus de recevoir des patients névrosés, bien insérés socialement et peu malades, comme autrefois, et que les sujets-limites (au limite de la folie) sont les plus vulnérables aux crises idéologiques de la société. Ces patients au narcissisme fragile sont avides de certitudes idéologiques, car ils investissent le Surmoi collectif et les idéologies comme un étayage pour leur Surmoi individuel inachevé et leurs carences représentatives. » (François Duparc).

 

« le Psychanalyste doit acquérir une connaissance des idéologies dans lesquelles  il est inscrit sans le savoir ou sans le vouloir par sa propre culture, son histoire et sa formation théorique personnelle. Comme le contre-transfert, l’idéologie dans laquelle on baigne est souvent inconsciente, et demande un travail pour être mise au jour, déjouant le confort de l’illusion et de la banalité » Le Guen

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III) La sagesse antique dans notre monde actuel

 

La philosophie morale de la Grèce antique se développa sur une période de plus de 10 siècles, débutant au VIe siècle avant JC et s’achevant avec le développement de la pensée chrétienne. Cette période permit l’émergence de pensées et d’idées dont une diversité de concepts qu’il reste à redécouvrir. La  sagesse grecque est riche d’enseignement pour toute réflexion et recherche concernant l’éthique et les idéaux du futur.

 

Profitons de l’occasion pour repréciser ou corriger quelques idées répandues plus ou moins éloignées des idées originales de ces philosophes :

 

Socrate était le modèle de la sagesse antique, il prônait la cogitation, l’humilité, l’acceptation de l’ignorance et le respect du droit de la cité. Dans la période contemporaine soumise à la toute puissance des émotions, il est utile de rappeler la position de Socrate : «  Les sens importunent le penseur et l'Homme moral en l'incitant à la passion, à la colère, au plaisir immédiat. Il faut s'en affranchir autant que possible : c'est la condition première d'une connaissance possible et d'une véritable moralité ».

 

La philosophie contemporaine engage le débat entre la transcendance et l’immanence. Platon fut le précurseur de la transcendance, il défendit la thèse, selon laquelle les "meilleurs" doivent gouverner, parce qu'il conçoit la politique comme une sorte de rédemption, d'éducation. Celui qui gouverne doit éduquer le peuple, ignorant, au bien, et cela, parce que seul, il a la connaissance du bien. La tâche première du politique n'a donc rien à voir avec la gestion (administrative et économique) des affaires communes. Il s'occupera avant tout de rendre les hommes meilleurs, il cherchera à convertir la cité humaine aux valeurs  transcendantes. La politique a donc une fonction idéale. Par ailleurs, la théorie de l’amour platonique, développée de nombreux siècles plus tard, n’est pas fidèle à la pensée de Platon.

Le concept de l'amour platonique est un concept engageant la chasteté davantage par peur de la punition divine que par amour philosophique comme développé initialement par Platon. Pour sa part, PLATON accordait une place naturelle aux relations charnelles expliquant que la sexualité est nécessaire pour avancer sur le chemin menant à la vérité.

 

Dans le langage courant actuel, l'image de l'Épicurien  est celle du jouisseur de la bonne chair et du sexe, la jouissance sans limite ne correspond pourtant pas à la théorie épicurienne. Pour certains, le Jardin d’Epicure était un lieu de débauche, mais de telles idées semblent largement excessives et cette renommée bien éloignée de la théorie épicurienne.

La vie que mena Epicure dans son jardin fut simple et frugale, il était végétarien, un verre de vin lui suffisait, et il buvait de préférence de l'eau, il professait et pratiquait un hédonisme ascétique. La gestion « intelligente » de la sensualité tenant compte du désir et du consentement de son partenaire permet de donner à la sensualité une vraie place  vertueuse  et indispensable à la vie.

 

L’épicurisme désigne la terre, ici et maintenant comme lieu où le bonheur doit être recherché. Pour y accéder, satisfaire d’une façon raisonnée les plaisirs dans le cadre d’une vie sage, tempérée, contemplative et vertueuse. Epicure enseigne que ce ne sont pas les beuveries continuelles qui rendent la vie heureuse, ni les plaisirs des débauchés ni ceux qui consistent  dans les jouissances matérielles mais au contraire une raison vigilante qui cherche minutieusement les motifs de ce qu’il faut choisir ou éviter. L’épicurien respecte les vrais besoins de la nature et refuse ce qui en dépasse les limites. La modération est une vertu importante. Le choix de vivre sans troubles, l’ataraxie, implique le respect des lois pour éviter les sanctions de la société qui veut protéger ce qui est utile. Le droit et le plaisir sont  basés sur l’intérêt mutuel et la réciprocité, avec une attention particulière pour que la satisfaction des désirs se fasse dans le respect des désirs de ses partenaires.

 

Aujourd’hui,  la vie moderne et sa communication intense nous encombre d’informations souvent contradictoires, sans réel intérêt et parfois extrêmement éphémères.

L’influence de la publicité commerciale, de la propagande politique, des lobbyings nous oblige à la prudence et le  scepticisme est une notion à réhabiliter.

Protagoras affirme que sur tout sujet, on peut opposer des raisons contraires. Socrate affirme que tout ce qu'il sait, c'est qu'il ne sait rien (belle humilité du savoir qui n’est guère de mise aujourd’hui).

De nombreux aspects de ce qui s'appellera plus tard le scepticisme imprègnent ainsi la civilisation de la Grèce.

 

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IV) L’évolution de la morale et des idéaux dans la civilisation judéo-chrétienne

 

Si une bonne part des fondements de notre civilisation sont dans les acquis de la Grèce antique, notre civilisation fut marquée profondément par le développement de la religion chrétienne. Le renoncement plus ou moins prononcé à la sexualité a été très tôt une caractéristique fondamentale du christianisme, ce renoncement est porté par les idées de continence, de virginité, par l’esprit de sacrifice mais également par la réorientation du désir de l’homme vers Dieu.

 

La personnalité et le rôle de Paul de Tarse seront déterminants dans le positionnement de la chrétienté envers la sexualité, le rôle de la femme, du couple et l’organisation familiale.

Repris par l’empire romain, ce système de valeurs fut utile à son unité et à son expansion. Le monothéisme avait des vertus d’ordre, d’unité et de reconnaissance de l’autorité.

 

Le catholicisme  favorisa pendant de nombreux siècles le respect des institutions et développa assez largement l’inhibition des pulsions sexuelles. Les différentes monarchies européennes  partageaient leur pouvoir avec celui de l’église.

 

D’une façon lente, progressive, irréversible, ces fondements seront remis en cause, le siècle des lumières, la révolution française, l’installation de la laïcité seront des étapes déterminantes.

L’aspiration à plus de justice, l’abolition des privilèges, l’émancipation des peuples ont représenté de telles énergies que rien n’a pu les arrêter. Liberté, égalité, fraternité seront les valeurs de la république. L’église essaya de composer en évoluant sous la pression des érudits mais surtout des mouvements populaires, cette évolution devient plus difficile lorsque ses fondements mêmes sont remis en cause.

 

La finalité de la morale spinoziste est exposée dans l’"Ethique" que Spinoza a dû renoncer à publier pour des raisons de sécurité. Il oppose aux faux sentiments et comportements (crainte, honte, tristesse…) les vrais sentiments basés sur des idées positives (joie, amour, béatitude) dirigés par l’entendement. Partager la vraie connaissance permet de profiter de la vie en chassant les idées tristes de la haine, de la vengeance et de la mort.

 

 

Emmanuel Kant, soutient dans "Critique de la raison pratique" (1788) qu'une action est moralement bonne si elle s'accomplit par pur respect du devoir sans considération pour un intérêt ou une satisfaction espérée. La moralité se mesure donc dans l'intention qui conduit à l'action et non sur son aspect extérieur. La loi morale s'exprime sous forme d'un devoir impératif ("tu dois") tel qu'il puisse être érigé en règle universelle. Dieu, la liberté de la volonté et l'immortalité de l'âme ne sont pas du domaine de la connaissance, mais des postulats nécessaires à la raison pratique en tant qu'exigence rationnelle de la morale. Pour le philosophe allemand, l'existence de Dieu est donc une nécessité morale. Sa morale, cependant, ne se fonde pas sur la religion mais sur l'autonomie de la volonté.
Kant aborde également dans "Critique de la faculté de juger" le jugement esthétique et la téléologie (étude de la finalité des êtres et des choses). Ne croyant pas à la Révélation, ni en l'Incarnation de Dieu en Jésus, (lequel perdrait sa valeur d'exemple) il est cependant persuadé de l'utilité de la religion pour l'ordre et la paix sociale. Kant défend l'idée d'une religion morale dans laquelle Dieu, dont l'existence ne peut être démontrée, est l'initiateur de la conscience morale.

 

Nietzsche rejette les critères traditionnels du bien et du mal et s'en prend violemment à la morale chrétienne qui valorise la pitié et l'humilité. Dans la Généalogie de la morale (1887), il la considère, en effet, comme la "morale des esclaves", c'est-à-dire un renoncement à la vie et un refoulement des instincts qui conduit à la servilité et à l'ascétisme, permettant aux plus faibles de prendre la place des plus forts. Il l'oppose à la "morale des maîtres", c'est-à-dire des hommes libres, qui affirme des valeurs héroïques et prône le surpassement de soi à travers la volonté – La volonté de puissance – bien entendre que cette volonté de  puissance n’est pas une volonté d’écraser les autres. Le "bon" est associé au "noble" et être "méchant" un signe d'infériorité. Il recommande la liberté d'esprit, affranchi du présent, de l'environnement et de la mode. Dans le "Gai Savoir", Nietzsche devient provocateur en affirmant que l'altruisme trouverait son origine dans une faiblesse, un vide intérieur. L'altruiste serait un égoïste caché, qui chercherait dans son geste à échapper à lui-même. A l'inverse, l'égoïste, capable d'abord de penser à lui, serait ensuite dans la possibilité de donner aux autres. Affirmation qui place Nietzsche comme précurseur de la psychanalyse et dont Freud fut le lecteur, d’une façon plus ou moins reconnue.

 

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V) Apports de la philosophie contemporaine

 

L’œuvre de CAMUS essaie de définir un humanisme lucide, généreux dans l'action, sensible à la misère du monde, et une morale collective qui exalte la solidarité humaine devant le mal et les épreuves de la vie. L'homme doit toujours s’efforcer à développer fraternité et amour.

 

Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et le mouvement existentialiste centrés sur la critique des valeurs de la bourgeoisie confirmèrent la nécessité d’élaborer des idéaux résolument en rupture avec ceux existants, les valeurs ne s’enracinent que dans des choix individuels, à chaque instant révisables.

 

André Comte-Sponville donne une définition simple de la morale : C’est l'ensemble des règles qui respectent les droits des autres.
A l'inverse du moralisme qui dit ce que l'autre doit faire, la morale, c'est ce que je dois faire. Etre en règle avec la société n'exempte pas d'être en règle avec sa propre conscience.
Pour savoir si une action est condamnable ou pas il faut se demander ce que deviendrait le monde si chacun faisait ce qu'il a envie de faire.

 

Ruwen Ogien s'efforce actuellement de mettre au point une théorie éthique qu'il nomme éthique minimale. C'est une éthique d'esprit anti-paternaliste qui voudrait donner des raisons de limiter autant que possible les domaines d'intervention de ce qu'il appelle, à la suite de John Stuart Mill, la « police morale ». Cette théorie éthique  présente son principe d’intervention limitée aux cas de torts flagrants causés à autrui.

 

Radicalement athée, Michel Onfray rappelle les fondements des religions « Le propre de toutes les religions est de récuser le discours rationnel, philosophique, au profit d’une pensée magique dans laquelle tout est intellectuellement permis. L’obscurantisme fait la loi dès le début, car l’essence de la religion, c’est le déni de la mort et l’affirmation qu’après sa venue nous vivons encore, sous une autre forme certes, mais que nous persistons, et ce pour une vie éternelle. A partir de ce mensonge fait à soi-même, tout devient possible. Et l’on sait combien un mensonge originaire oblige ensuite à une série d’autres mensonges destinés à légitimer le premier. »  Il propose de réconcilier l'homme avec son corps, machine sensuelle, et de bâtir une éthique fondée sur l'esthétique.

 

Le XXe siècle, avec la légalisation de l’avortement, de la contraception, la reconnaissance du divorce, nous amena à un point de non retour. Ces lois nouvelles entrent en conflit profond avec les lois des trois religions monothéistes. Première pierre de l’édifice, le décalogue ne peut plus assurer de nos jours son rôle de référence sérieuse ; comment, dans ces conditions, l’édifice peut-il se maintenir sans une reconstruction complète ?

 

Dans notre siècle numérique actuel, l’accès à l’information à la communication est tellement prodigieux qu’il n’est pas aisé d’en prendre véritablement conscience ici et maintenant et encore moins aisé d’émettre des idées prospectives d’avenir.

Notre possession  de tous les acquis précédents peut être tellement fine et complexe que nous constituerons comme certain la nomme « La civilisation des civilisations ». Doit on parler de manque des valeurs ou de trop de diversités dans celles-ci ?

 

« La libération au moins partielle de l’individu n’a pas placé celui-ci devant le rien du nihilisme philosophique, mais au contraire devant ‘un trop’ : les modèles qui se présentent à lui sont nombreux. L’individu peut se tourner vers le passé (catholicisme évangélique, intégrisme, conversions au bouddhisme, à l’islam, communautarisme, sectes…) ; il peut s’enflammer pour le romantisme révolutionnaire de l’ultra gauche, s’engager dans les combats de l’altermondialisation ou plus simplement et plus généralement, adhérer aux thèses de l’idéologie marchande, du new age, du développement personnel. Il peut aussi revendiquer sa singularité et chercher refuge dans un groupe (gay, deep ecology, etc…) »

   Gérard MENDEL 2004

 

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VI) Conclusion

 

 D’une façon classique, la reconnaissance des idéaux qui allait de soi il y a encore quelques décennies n’est plus évidente dans ce XXIe siècle qui commence ; comment discerner les idéaux qui ont toujours leur raison d’être, de ceux, caduques qui n’ont plus à être honorés ? Comment aider à l’émergence de nouvelles valeurs en accord avec notre temps et préparant l’avenir ?

L’affaiblissement des valeurs morales traditionnelles représente-t-elle un danger majeur ou bien une opportunité favorable à l’installation de nouvelles valeurs humanistes, écologiques,  pour vivre mieux ?

 

L’évolution des connaissances et la puissance technologique nous mettent en situation de pouvoir réussir une synthèse de toutes les civilisations passées, nous ne créons pas une civilisation supplémentaire nous créons « la civilisation des civilisations » Jacques Attali.

Gérard VIGNAUX (octobre 2009)

 

 

Bibliographie :

 

- Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale     Monique CANTO-SPERBER (2 tomes PUF)

- L’idéal du moi  (essai sur la maladie de l’idéalité)    Janine CHASSEGUET-SMIRGEL éditions universitaires

- Petit traité des grandes vertus   André COMTE-SPONVILLE

- Vie et mort des idéologies    François DUPARC revue française de psychanalyse PUF

- Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction    Jean-Marie GUYAU

- Totem et tabou     Sigmund FREUD  Payot

- L’avenir d’une illusion    Sigmund FREUD  PUF

- La morale sexuelle « civilisée »  – dans la vie sexuelle-    Sigmund FREUD  PUF

- Construire le sens de sa vie –une anthropologie des valeurs-    Gérard MENDEL éditions la découverte

- Histoire de l’autorité    Gérard MENDEL

- Le philosophe, le patient et le soignant   Robert MISRAHI

- Généalogie de la morale  Friedrich NIETZSCHE

- Ainsi parlait Zarathoustra   Friedrich NIETZSCHE

- L’éthique aujourd’hui – maximalistes et minimalistes-   Ruwen OGIEN Folio essais

- La morale a-t-elle un avenir   Ruwen OGIEN  Pleins feux

- La sculpture de soi –la morale de soi-    Michel ONFRAY  livre de poche

- Les sagesses antiques –contre histoire de la philosophie-   Michel ONFRAY

- Ethique de Baruch SPINOZA

  

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